Donald Trump et le nécessaire sursaut à gauche
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Il faut prendre la mesure de ce que représente l’investiture de Donald Trump, du projet que le 47e président des États-Unis et des forces sociales qui le soutiennent.
On aurait bien tort de le sous-estimer ou de ne pas le prendre au sérieux.
Il s’agit de la traduction politique de la réaction d’une partie des classes dirigeantes étatsuniennes, et de leurs alliés ou vassaux, à la nouvelle phase de la mondialisation capitaliste, fragmentée, et à la contestation de la domination impérialiste de Washington. Nous ne sommes plus dans la phase néolibérale et néoconservatrice de la mondialisation d’il y a vingt ans. L’impérialisme américain est contraint de repenser ses modalités de domination.
Les ressorts de cette traduction politique sont inédits : le capitalisme numérique, celui de la spéculation et des hedge fonds, c’est-à-dire une autre fraction que celle qui a porté la mondialisation néolibérale, prend directement le pouvoir en s’appuyant sur un projet précis. La composition du gouvernement Trump est parlante. Au-delà d’Elon Musk, on peut citer le nouvel ambassadeur en France, Charles Kushner, magnat de la spéculation immobilière, ou encore le nouveau secrétaire au commerce, Howard Lutnick, président d’une importante société d’investissement. Cette fraction des classes dirigeantes cherche à prendre le leadership sur cette nouvelle phase de la mondialisation capitaliste.
Le projet porté par ces forces repose, en résumé, sur trois piliers :
- Un projet libertarien de phagocytage de l’État à leur profit direct.
- Un projet « post démocratique » et autoritaire par la manipulation de l’information et le contrôle des technologies numériques et d’intelligence artificielle.
- La liquidation de concurrents, surtout quand ceux-ci sont déjà affaiblis. Le projet trumpiste a pour ambition de faire capituler les velléités d’autonomie du projet capitaliste européen, y compris par le biais d’une entente avec un pays périphérique (du point de vue du capitalisme mondial) comme la Russie. La question des droits de douane concourt à cet objectif. On peut relever que les bourgeoisies européennes, faute de projet unifiant, et engoncées dans une relation de dépendance aux États-Unis, sont totalement incapables d’y répondre. L’Union européenne, en tant que construction capitaliste tétanisée, est ici face à une crise absolument majeure. Les injonctions à l’augmentation des dépenses militaires visent à les faire aller à Canossa. L’extrême droite européenne accélère le mouvement : l’accord conclu par Giorgia Meloni au bénéfice de Starlink et au détriment d’un projet européen en est une illustration. Trump va également utiliser l’arme du gaz de schiste américain. Il ne s’agit nullement d’un départ des Américains de l’Europe mais d’une soumission accrue et absolue.
De ce contour d’une recomposition du capitalisme mondial découle celle de l’impérialisme étatsunien trumpiste. Celui repose sur deux pieds :
- Le contrôle total des réseaux commerciaux nord-américains, par la résurrection de prétentions anciennes sur le Canada et le Groenland, clés du contrôle de la route du Nord-Ouest d’une part, et sur le canal de Panama d’autre part.
- Le fait de se délester d’une partie du fardeau, sans perdre le contrôle sur certaines régions, par le biais d’un accord global avec des partenaires régionaux qui y trouvent également leur intérêt. La trêve à Gaza est un soulagement. Elle est fragile et son avenir bien incertain, surtout après la première phase des 42 jours. Elle révèle également une conjonction d’intérêts entre les États-Unis, l’Égypte et l’Arabie saoudite, que le gouvernement israélien d’extrême droite a été contraint de prendre en compte. Une répétition stricto sensu des accords d’Abraham, qui piétinaient le peuple palestinien, est peu probable, tant le règlement politique de la question palestinienne apparaît désormais nécessaire même à ceux qui ont cherché à l’enterrer. Les dangers n’en sont pas moins grands pour la lutte du peuple palestinien pour ses droits nationaux. Un ersatz d’État palestinien ou un condominium de forces palestiniennes sous le patronage de puissances régionales ne répondrait en rien aux exigences de la lutte de la libération nationale palestinienne portée historiquement par l’OLP, c’est-à-dire à l’établissement d’un État de Palestine unifié, pleinement indépendant, souverain et démocratique sur la totalité du territoire palestinien de la Cisjordanie, de Jérusalem Est et de Gaza, aux côtés de l’État d’Israël. Les négociations sur l’avenir politique de Gaza, qui ne font pas partie de l’accord de cessez-le-feu, sont absolument cruciales car elles vont servir de laboratoire. Le soutien et la solidarité sans faille que les communistes apportent aux exigences politiques de l’OLP sont plus importants que jamais car la Palestine est à un tournant de son histoire. Les mois qui viennent sont cruciaux.
Ce projet trumpiste prépare une confrontation avec la Chine. Les « justifications » apportées aux revendications impérialistes sur le canal de Panama sont une première étape. Cela ne sera pas simple pour l’administration Trump car une partie des forces qui le soutiennent est soucieuse de maintenir leurs intérêts d’affaires.
Alors que le projet des classes dirigeantes européennes qui se reflète dans les traités européens s’effondre, et qu’une extrême droite structurellement liée au capitalisme trumpiste cherche à prendre la main sur l’UE, les tâches de la gauche en Europe sont cruciales et historiques. Il est urgent que les forces communistes et progressistes en Europe travaillent ensemble pour non seulement en prendre la mesure, mais aussi pour construire une alternative de paix et de progrès en Europe. Des initiatives comme le forum européen des forces de gauche, recentré et renouvelé sur ces priorités politiques, avec davantage d’efficacité politique, avec les forces du mouvement social, peuvent servir pour initier une telle démarche.