Rafael Correa réélu au premier tour en Équateur : soutien populaire massif à sa politique progressistes mais critiques à gauche
Rafael Correa réélu au premier tour en Équateur : soutien populaire massif à sa politique progressistes mais critiques à gauche
Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Rafael Correa a été ré-élu ce dimanche pour la deuxième fois à la tête de l'Etat équatorien, avec 60% des voix. Le peuple équatorien a soutenu massivement sa politique sociale, malgré des critiques venant de la gauche sur sa politique économique et sociale.
Le verdict électoral est sans appel. Avec 60% des voix, Correa à la tête du mouvement « Alinza Pais » est élu au premier tour des élections présidentielles. Il devance le banquier libéral Guillermo Lasso (20%) et à l'ancien putschiste d'extrême-droite Lucio Gutierrez (5%).
Le peuple équatorien a apporté un soutien clair et net à la politique sociale menée depuis 2005 par le président Correa, dans le cadre du « socialisme du XXI ème siècle » et de la « Révolution citoyenne ».
Si la perspective reste évanescente, les mesures sociales sont concrètes : notamment le triplement du budget de l'éducation et de la santé rendu possible par la manne pétrolière, après re-négociation des contrats avec les multi-nationales et le refus de payer la majeure partie de la dette extérieure.
La politique de Correa : l'éducation et la santé publiques, gratuites et universelles
L'éducation est redevenue entièrement gratuite. Les centres de santé tout comme les écoles ouvrent dans
tout le pays, les investissements publics permettent aux hôpitaux de se doter d'un appareil moderne tout en construisant dans tout le pays un réseau routier digne d'un pays
développé.
Et le gouvernement donne les moyens à son peuple d'accéder à l'éducation et à la santé publiques.
Le « bon de développement humain », passé en janvier de 35 à 50 dollars par mois, concerne 2 millions d'équatoriens. Elle est fournie en échange de l'obligation de scolariser les enfants et de leur accorder des soins gratuits réguliers.
En six ans, 500 000 mineurs équatoriens sont sortis du travail infantile, le taux de scolarisation est passé de 75 à 90%.
L'affiliation des employés à la sécurité sociale est devenue une obligation pour les entreprises privées sous peine de lourdes amendes. En six ans, leur proportion est passée de 41 à 61%.
Des résultats sociaux incontestables : recul massif de la pauvreté depuis le début des années 2000
Le pays au bord du gouffre en 2000, où trois équatoriens sur quatre vivaient dans la pauvreté, criblé de dettes, soumis aux diktats du FMI, de la Banque mondiale et des États-Unis, est un lointain souvenir.
En six ans, le taux de pauvreté est passé de 37,6 à 25,3%, l'extrême pauvreté de 16,9 à 9,4%.
Enfin, sur le plan international, si la dépendance envers les Etats-unis n'est toujours pas annihilée puisque l'économie reste dollarisée, l'Equateur privilégie désormais les relations avec ses voisins latino-américains progressistes dans le cadre notamment de l'ALBA proposée par Chavez.
Correa est également un des principaux soutiens continentaux de Cuba socialiste, ainsi qu'un des partenaires privilégiés pour les autres présidents « progressistes » tels Evo Morales en Bolivie ou Hugo Chavez au Vénézuéla.
Les communistes : alliés critiques de la « révolution citoyenne »
Allié critique de Correa, le Parti communiste équatorien ne cache pas les limites du processus bien qu'elle apporte depuis 2005 – ainsi que sa centrale syndicale, la Centrale des travailleurs d'Equateur (CTE) – son soutien au président.
En premier lieu, pour les communistes, la politique de Correa n'est pas socialiste, cela reste une politique « national-populaire » conséquente posant les bases d'une transition ultérieure vers le socialisme.
Sa politique progressiste reste un « développementalisme » inspiré d'avancées sociales (éducation gratuite, sécurité sociale) importées en Équateur au moment où elles sont détruites en Europe.
Les communistes perçoivent le mouvement de Correa comme un mouvement « réformiste » assumé reposant sur des concepts comme le « commerce juste », la prééminence de « l'Humain sur le capital », qui fondent une politique économique réformiste-humaniste et non révolutionnaire-socialiste.
Deuxième limite, plus économique, celle d'un modèle fortement dépendant des hydrocarbures. Une économie de semi-rente piégée dans la mono-activité, peinant à s'industrialiser et à diversifier ses activités, tout comme le Venezuela voisin.
Une économie encore dominée par le capital équatorien, que Correa ne cherche pas à déloger mais bien à consolider, et encore sous la dépendance du capital étranger, notamment sous les multi-nationales pétrolières ou minières nord-américaines et de plus en plus chinoises.
Dernière limite, la faiblesse de la direction collective du mouvement, de participation démocratique à la base et le risque d'une direction personnelle.
Liée au point précédent, on peut voir dans la politique sociale du gouvernement Correa une volonté plus d'acheter un consensus populaire que de réellement construire un mouvement social et politique autonome.
Malgré toutes ses critiques, le Parti communiste a décidé de rester fidèle à son engagement dans la « Révolution citoyenne » et de soutenir le président Correa à la présidentielle.
« L'unité pluri-nationale des gauches » : opposition gauchiste manipulée ou justes réserves ?
L'élection a toutefois vu le front des soutiens à Correa se briser à sa gauche avec la constitution de l' « Unité pluri-nationale des gauches ». Une coalition d'une dizaine d'organisations de gauche, de mouvements sociaux dont le candidat n'aurait pas dépassé les 3%.
Le mouvement est né des manifestations indigènes de mars 2012 contre les projets d'extraction minière en Amazonie. Un mouvement relayé et récupéré par diverses organisations, dont le syndicat des enseignants sous influence de forces d'extrême-gauche.
Un mouvement aussi progressivement récupéré par l'ancien idéologue de la « révolution citoyenne », Alberto Acosta, qui s'est imposé comme candidat unitaire de la gauche anti-corréenne lors des primaires de 2012
L'ancien bras droit de Correa a soudain noirci les pages de la presse bourgeoise pour dénoncer avec véhémence l'autoritarisme de Correa, sa « trahison » des idées de la révolution ainsi que la menace qu'il représenterait pour la démocratie et les libertés.
Acosta s'est fait le défenseur de la presse « indépendante » (c'est-à-dire privée, du grand capital) contre l'étatisme de Correa, a critiqué les projets d'extraction de matières premières destructeurs des communautés indigènes au nom du « post-développementalisme ».
Certaines de ses critiques touchent sans nul doute juste, rejoignant les critiques des communistes : absence de direction collective, politique strictement développementaliste plutôt que
Toutefois, la violence de la rupture avec Correa, la décision de conduire une coalition contre lui, la complaisance de médias ménagés par Acosta, sont loin d'une critique dialectique des communistes, prenant en compte l'aspect progressiste du gouvernement et le danger de faire le jeu de la réaction.
Par ailleurs, certains des arguments d'Acosta ne s'apparentent pas vraiment à une critique de « gauche » du gouvernement : sa défense acharnée des « libertés formelles », sa critique anti-développementaliste s'accompagnant de déclarations laissant la porte ouverte aux multi-nationales.
Dans tous les cas, si cette opposition étiquetée comme « gauchiste » par Correa semble quasi morte-née, les critiques qu'elles a porté, les mouvements sociaux qu'elle a voulu relayer ou récupérer, les contradictions qui sont au cœur de la « Révolution citoyenne » sont toujours bien présents.
Après sept ans de « révolution citoyenne » avec tous ses succès et toutes ses limites, l'Equateur de Correa est au milieu du gué : seule un processus de transition vers le Socialisme peut conduire à la transformation profonde du pays dans une perspective progressiste.