Partis communistes en Europe face au projet du PGE
Stage de formation des miltants communistes. Cholonge (Isère). 26,27 et 28 août.
Nous reproduisons ci-dessous le texte de l’introduction d’Anthony Crézégut à un débat sur la situation des partis communistes d’Europe.
"Dans quasiment chaque pays, chaque parti communiste, les mêmes tentations réformistes, les mêmes résistances communistes se sont affrontées, s’affrontent, dans une âpre lutte.
L’issue est différente suivant les réalités nationales et le niveau des batailles menées. Le PGE, sponsorisé par l’UE du capital, est désormais, depuis 2004, un moyen puissant, politique et financier, pour pousser la mutation-liquidation des partis communistes. Mais le discrédit croissant du capitalisme et de l’UE à son service modifie le rapport de force idéologique.
On constatera que le PCF se situe toujours à la croisée des chemins. Le processus de « mutation-transformation-liquidation » réformiste, après presque 20 ans continue de se heurter à d’importantes résistances, tout en ayant considérablement affaibli le Parti.
On comprend encore mieux pourquoi ce n’est pas un hasard que Pierre Laurent ait été nommé Président du PGE, après un Italien et un Allemand qui ont, chacun à sa façon, parachevé le travail de liquidation dans leur pays respectif. Au même moment, la direction du PCF va chercher un candidat social-démocrate à la présidentielle pour ranger le Parti derrière le « Front de gauche », appellation peu originale en Europe…
La Fête de l’Huma (voir nos débats) sera une nouvelle occasion d’apprendre à connaître l’action des communistes qui ont maintenu ou reconstitué leur parti et qui mènent la bataille contre les politiques d’austérité coordonnées par les gouvernements nationaux, l’UE et le FMI.
Nous ne saurions trop vous recommander par ailleurs la lecture du n°4 des Cahiers communistes consacré au mouvement communiste international.
Coopération internationale entre partis communistes face au projet d'intégration supranationale dans un bloc réformiste avec le PGE
Du 3 au 5 décembre 2010 se déroulait à Paris le 3ème congrès du PGE avec une dizaine de partis de « gauche », héritiers autant d'une tradition communiste que non-communiste voire anti-communiste. Congrès qui voyait l'élection de notre secrétaire-général Pierre Laurent – en concurrence avec les dirigeants anti-communistes du Bloc de gauche portugais et du Synapsismos grec – à la tête de ce « parti politique européen » appelant à « une autre Europe sociale » contre l' « Europe des marchés ». Au même moment, sans que les communistes français en soient informés, avait lieu à Johannesbourg la 12ème rencontre internationale des partis communistes et ouvriers, avec une quarantaine de partis communistes posant la « nécessité de l'alternative socialiste face à la crise capitaliste ».
Une question : comment des partis portant l'étiquette « communiste », héritiers de la tradition communiste, peuvent se retrouver pour certains dans l'initiative du PGE, pour d'autres dans celle de la Rencontre des partis communistes et ouvriers ? Qu'est-ce qui les différencie, voire les oppose dans leur ligne stratégique sachant qu'on ne retrouve presque jamais les mêmes partis à ces rencontres.
Je vais essayer de montrer comment cette division dans le mouvement communiste international (ou chez ses descendants) est le reflet d'une divergence stratégique fondamentale, l'opposition de deux lignes qui se livrent une lutte à mort sans « coexistence pacifique » possible.
I) De quoi le PGE est-il le nom ?
Le PGE naît en 2004 de l'initiative de plusieurs partis « communistes » les plus engagés dans un processus de transformations déjà entamé depuis longtemps mais incomplet (Izquierda Unida), en voie d'achèvement (le PDS est-allemand, futur Linke, avec ses avatars luxembourgeois et autrichiens) ou déjà préparé par une longue mutation (PCF) ou refondation (Rifondazione comunista) ainsi que de partis ouvertement anti-communistes (Bloc de gauche, SYNAPSISMOS, SDS tchèque). Dès sa naissance, pourtant, le projet suscite l'opposition de plusieurs partis communistes influents (le PdCI italien, le KSCM tchèque, le PCP portugais, le KKE grec) qui refusent d'y adhérer ainsi que des partis « de gauche » comme le PS hollandais (extrême-gauche) ou les partis de la gauche rouge-verte nordique. Pourquoi ?
Avant de voir ce qu'il est, voyons ce que le PGE n'est pas : une coordination de partis communistes, voire de « gauche », à l'image du groupe parlementaire européen Gauche unitaire européenne/gauche verte nordique.
Le PGE n'est pas une coordination de partis respectueuse de leurs différences, mais un « parti » en soi tendant à construire des « sections nationales » à son image, à unifier tous les partis nationaux en un seul parti européen. Il n'y a pas différents partis dans le PGE (communistes, verts, divers gauche..), il y a des partis à différents stades de leur transformation en « partis de gauche », en sections nationales du « Parti de gauche européen ».
Si je peux me permettre ce parallèle historique, l'Internationale communiste a été une machine à transformer tous les partis socialistes nationaux en partis communistes (Sections nationales de l'IC), le PGE est une machine à transformer les partis communistes nationaux en partis sociaux-démocrates, des sections nationales du PGE. On peut reprocher beaucoup de choses au KOMINTERN des années 1920-30, mais alors substituer Moscou à Bruxelles comme centre du mouvement communiste international, c'est un tour de force !
Un parti politique donc mais « européen ». Comme le PPE, le PSE, les Verts européens, le PGE est un parti politique reconnu par la Commission qui le finance à condition qu'il assure la « promotion de l'idée et de l'intégration européennes » et garantisse que les seules forces capables de s'opposer à l'UE du Capital canalise l'opposition vers... le renforcement de cette Union européenne ! Ainsi, dans le manifeste du PGE, on retrouve comme idée-force du PGE la construction d'une « Europe sociale, écologique, démocratique, pacifique et solidaire », le manifeste se finit même par cet appel : « Ensemble nous disons qu’une autre Europe est possible »
Un parti européen « de gauche », qui donc ne vise pas à respecter les différentes options au sein de la gauche, mais à fondre tous les partis dans un même moule : pro-européen, réformiste, allié structurellement à la social-démocratie. Avant de m'intéresser aux transformations organisationnelles, un coup d’œil au plan idéologique. Le PGE n'est pas un « espace de confrontation d'idées entre partis politiques » (Pierre Laurent, rapport conclusif du congrès du PGE), elle est une organisation qui impose sa ligne politique aux partis-membres.
Regardons le document principal du congrès du PGE (Agenda for a social Europe) pour éclairer ce propos, en reprenant exactement les termes de ce document :
Deux axes centraux :
- Le refus de lutter contre le système capitaliste. Le PGE oppose capitalisme financier et productif, économie financière et économie réelle. Ainsi, il lutte contre le capitalisme financier et bancaire, contre le « mode de gestion néo-libéral », pas contre le capitalisme dans son ensemble ;
- Le refus de lutter contre l'UE. Bien au contraire, le PGE lutte contre l'euro-scepticisme. Le principal danger est... « la perte de légitimité de l'UE », la mise en péril du « vivre ensemble dans l'UE ». L'objectif fixé par le PGE est de relancer l'idée européenne sur la base de l' « Europe sociale », de combattre la casse sociale européenne avec le mot d'ordre « Une autre Europe est possible » !
Si on regarde désormais les revendications concrètes du PGE, notamment sur le plan économique, on y observe une certaine cohérence
- Ré-orientation de la BCE et transformation de ses missions : financer les prêts aux États à des taux plus avantageux (sic), instaurer la sélectivité des crédits (donc financer les investissements du capital!) ;
- Réforme de la structure des marchés financiers mondiaux avec la taxe Tobin comme mesure-phare ;
- Relance du marché intérieur par une politique de redistribution des revenus ;
- Création d'une agence de notation européenne pour faire contre-poids aux agences américaines ;
- Émission d'euro-obligations ou euro-bonds (proposition d'Aubry et de Papandreou également!) ;
- Modernisation des services publics ;
Un programme européiste, kéynesien-socialdemocrate, alter-capitaliste mais pas un programme anti-capitaliste, encore moins communiste.
Où je veux en venir ? Si on analyse les programmes du Parti de la Refondation communiste, d'Izquierda Unida, du PCF, de Die Linke, du Bloc de gauche : ce sont, presque mot pour mot, les mêmes mots d'ordre, les mêmes axes programmatiques : le PGE est, avec la CES au niveau syndical, le lieu d'élaboration de cette ligne politique réformiste et européiste.
II) L'offensive liquidatrice depuis 2004 menée par le PGE
Passons maintenant à la transformation effective des partis communistes en partis de gauche orchestrée par le PGE. Pour la période avant 2004, notamment pour l'Espagne et l'Italie, je renvoie au numéro 4 des CC voire au numéro 1 (article fondamental sur Izquierda Unida). Je vais insister sur la période après la création du PGE :
Le modèle, c'est bien entendu le « Parti de la gauche ». C'est-à-dire, un parti à part entière qui a dissout ses composantes fondatrices (dont celles communistes limitées à un « courant culturel »), une formation qui se reconnaît dans une identité « socialiste de gauche ». Le modèle, c'est « Die linke » en Allemagne. Constituée dès 2005 comme une alliance électorale entre le PDS de l'Est (ex-SED) et le WASG de l'Ouest (ex-SPD), on passe tout de suite à l'étape suivante en 2007 lorsque Linke devient un parti politique liquidant le PDS, héritier du parti communiste est-allemand.
Le modèle est revendiqué par les dirigeants liquidateurs français (Buffet, Laurent) qu'italiens (Bertinotti, Ferrero, Grassi) et imité par les directions autrichiennes, suisses ou luxembourgeoises. Sans grand succès car les directions liquidatrices s'opposent à la persistance du fait communiste et à la singularité d'un modèle importé reposant sur les spécificités du cas allemand.
Le cas italien montre les limites de la marche forcée vers Die Linke. Fausto Bertinotti est le premier secrétaire du PGE, quoi de plus normal, pour un tel « animal politique », socialiste qui se découvre communiste après la liquidation du PCI, il est propulsé de suite secrétaire de « Refondation communiste » dont il liquide toute l'organisation (les cellules mais aussi les sections) dans une perspective mouvementiste, il importe une idéologie éclectique (opportuniste en fait) suivant la vieille recette du minestrone, on mélange toutes les questions (féminisme, écologie, pacifisme non-violent...) dans une bouillie informe dissolvant la lutte de classes. Après 2004, Bertinotti passe de la liquidation de la « chose » à celle du « nom » communiste. Après la participation au gouvernement de l'ancien président de la Commission européenne Prodi en 2006, celui de la guerre en Afghanistan et des privatisations, Bertinotti décide en 2008 de lancer son grand projet : la « Gauche arc-en-ciel » (Sinistra arcobaleno), coalition électorale entre les deux partis communistes, les Verts, une scission des sociaux-démocrates et d'autres formations groupusculaires dont le but affiché est de fonder un nouveau parti politique après un triomphe à deux chiffres (le potentiel électoral de la formation était de 12/13%). Sans le nom ni les symboles communistes, faucille et marteau, une première depuis 1945. Le résultat va livrer une autre première historique : les communistes sortent exclus du Parlement avec un minable 3%. On rappelle que les communistes, seuls, faisaient encore 9% en Italie en 2006. Les liquidateurs sont allés trop loin, trop vite. Bertinotti et l'aile-droite des liquidateurs est, malgré les magouilles, renversée au Congrès de 2008 (à une majorité de 51%!). Le PGE est confronté à son premier échec majeur et change son fusil d'épaule.
Fini le « Die linke » à marche forcée, le PGE re-découvre les mérites de la transition à partir d'une « organisation de type fédérale » dont l'Izquierda Unida fut le précurseur dès 1986. On ne dissout pas le Parti communiste, on le maintient dans le cadre d'une « coalition électorale » qui devient petit à petit une « formation politique » qui se superpose au parti sans le liquider formellement. De fait, le Parti s'efface, disparaît, se meurt : un processus de liquidation passive qui a fait du PCE un parti au bord de la disparition en 2008 (10 000 adhérents) mais qui surtout se révèle en 2008 un fiasco total pour IU elle-même : 3% en 2008, minimum historique, le PCE reste la seule organisation intégrée à IU, toutes les autres sont parties les unes après les autres, IU réduite à une force d'appoint, caution de gauche du gouvernement ultra-libéral de Zapatero. L'IU est en 2008 un cadavre politique au moment où naît dans le PCE un mouvement sans précédent de contestation d'IU, en faveur d'un renforcement du PCE.
La réponse du PGE consiste à relancer le projet « Gauche unie » en Espagne et à l'étendre au reste de l'Europe, quitte à couper les branches pourries (les équipes liquidatrices droitières de Llamazares en Espagne et Bertinotti en Italie). On met aux commandes des dirigeants issus des anciennes directions liquidatrices mais capables de tenir un discours de « gauche anti-capitaliste », anti-PS (Cayo Lara en Espagne et Paolo Ferrero en Italie). Entre 2007 et 2009, naissent trois projets du même format : la refondation d'IU (avec les Verts notamment) en Espagne, la Fédération de la Gauche en Italie (avec PdCI et PRC plus quelques groupuscules) et le Front de gauche en France.
Pour que ce soit clair, les derniers événements en Italie et en Espagne prouvent l'orientation liquidatrice de ces projets « Fédération de la gauche » :
En Italie, Ferrero à la tête de Refondation communiste a su dévoyer le projet d' « unité des communistes » en proposant l'unité certes... mais au sein de la « Fédération de la gauche » (FdS en italien) ! Pourtant, en 2009, la liste communiste unitaire, dans la précipitation et dans un climat de guerre civile (nombre de dirigeants fédéraux de Refondation avaient fait voter massivement pour d'autres listes « de gauche »!), avait obtenu 3,4% aux européennes. Un résultat insuffisant mais honorable vu les conditions, meilleur que celui de la gauche Arc-en-ciel, censé réunir « toute la gauche ». Depuis, la FdS n'a pas dépassé les 3%, aux élections régionales et municipales de 2010 et 2011. Mais on persévère avec la création de comités locaux de la FdS, la question est posée de l'adhésion directe et surtout on met en avant publiquement d'abord par Claudio Grassi (courant « Essere comunisti », identitaire mais réformiste) puis par le secrétaire Paolo Ferrero le projet de « Die linke » à l'italienne au cours de l'année 2010. Il faut rappeler la perspective dressée par Ferrero : faire un grand « pôle de la gauche d'alternative » avec le parti du juge Di Pietro (l'homme de l'opération Mains propres, juge de droite, un peu le Eva Joly italien) et Nichi Vendola, liquidateur de Refondation communiste, démagogue mégalomane, sioniste et papiste, qui devrait se présenter aux primaires du Parti démocrate, et s'est déclaré prêt même à une alliance avec l'ancien fasciste Gianfranco Fini, allié numéro un de Berlusconi. Quel est le but ultime de tout ça ? Faire une alliance avec le PD, libéral et européiste, en espérant le « tirer à gauche ».
En Espagne, l'illusion d'une conciliation des projets « refondation d'IU » et « renforcement du PCE », votés conjointement au congrès de 2008, a fait long feu. Pour les élections locales de 2010, les communistes d'Asturies et d'Extrémadure, expulsés depuis 2005 d'un IU qu'ils avaient eux-mêmes créé, demandent à former des listes communistes indépendantes d'IU. Refus catégorique des directions nationales d'IU et du PCE. Les communistes Asturiens persistent et défendent une liste communiste contre IU dans ce bastion communiste historique. 800 militants communistes sont alors expulsés « temporairement » du Parti. Ils ne sont à ce jour toujours pas ré-intégrés. Le cas de l'Extrémadure est encore plus révélateur. Les camarades n'ont pu porter leur liste communiste. Ils se sont saisi de la liste IU pour y mettre leur contenu : anti-capitaliste et anti-PSOE, officiellement la ligne dont se revendique l'IU « refondée ». Problème : le PS, en décrépitude aux régionales de mai 2011, ne s'est révélé être en mesure de conserver qu'une région, l'Extrémadure, à une seule condition : gagner par une alliance politique avec IU les trois sièges décisifs à son investiture. Avant l'investiture, les communistes d'Extrémadure ont été soumis à d'intenses pressions et menaces de la part des directions du PCE et d'IU. Ils décident finalement, après consultation de la base, de refuser l'alliance avec le PS. Le coordinateur d'IU, Cayo Lara, a entamé une procédure en cours d'exclusion des militants et dirigeants d'IU-Extrémadure.
Dans le même temps, je rappelle qu'au Portugal et en Grèce, le PGE continue de soutenir le Bloc de gauche et Synapsismos contre le PCP et le KKE, ce n'est pas un hasard sir deux dirigeants de ces formations étaient en ballottage avec Pierre Laurent pour être à la tête du PGE.
III) La résistance contre le PGE est possible !
Je vais conclure sur une note plus optimiste et volontaire car il est possible de résister à cette machine à broyer les PC qu'est le PGE, et car il existe une alternative à la ligne de la résignation.
Tout d'abord, parce que le PGE est confronté à l'échec de sa ligne de formation de puissants « partis de gauche » électoralistes à la gauche du PS. Les derniers résultats le prouvent : 3% pour Izquierda Unida en 2008, minimum historique 3% pour la Gauche arc-en-ciel en 2008, minimum historique (et depuis entre 2 et 2,5% pour la FdS en 2010 et 2011) et même le vaisseau amiral Die Linke s'est écroulé aux dernières régionales partielles de mars 2011 avec 3,1% en Rhénanie-Palatinat (contre 9,4% en 2009) et 2,8% en Bade-Wurtemberg (contre 7,2% en 2009). Pour nous, le critère électoral n'est qu'un critère parmi d'autres. Mais nous pouvons appliquer à des forces électoralistes leurs propres critères. Le PGE est également paralysé par ses propres contradictions : le processus de liquidation des PC confronté d'une part à la persistance du fait communiste, dans la population, la classe ouvrière et la masse des militants du parti, d'une autre part la contradiction entre l'aspiration populaire à une alternative à l'UE et à la social-démocratie et la politique de collaboration du PGE avec le PS et l'UE du Capital. Or, les forces du PGE essaient, encore plus depuis 2008, de concilier l'inconciliable : 1) avec la formule liquidatrice de transition des « Fédérations/fronts de gauche ». 2) avec la relance d'un discours formel anti-PS et anti-UE dont le seul débouché est la défense d'un gouvernement « de gauche » et d'une autre Union européenne.
Ensuite parce que des résistances existent et se développent en Europe contre l'action du PGE, pour le renforcement et la reconstruction des PC. En Espagne, j'ai déjà parlé de ces fédérations qui se sont opposés frontalement à IU (Extrémadure, Asturies), il y a aussi celles qui mettent la priorité sur le renforcement du PCE (Andalousie, Aragon). Depuis le congrès de 2008, le renforcement du PCE est redevenu une priorité du PCE qui a récupéré toutes ses fonctions hormis celle électorale, nerf de la guerre. En Italie, les camarades à partir du PdCI (Parti des communistes italiens) ont lancé un appel pour la « reconstruction du PCI » à l'occasion du 90ème anniversaire. Le PdCI a mis à l'ordre du jour de son congrès d'Octobre la reconstruction du PC. Les JC de Refondation communiste et du PdCI ont déjà annoncé leur volonté de ne former qu'une seule Jeunesse communiste. En Autriche et en Suisse, les communistes reconstruisent leur parti à partir d'une fédération sur une ligne d'opposition à celle du PGE. En Styrie, les camarades autrichiens gardent une organisation de masse et de classe (sur le plan électoral, 4,4% en 2010 contre 0,8% nationalement). Au Tessin, nos camarades suisses ont renversé la direction cantonale pro-PGE et reconstruisent depuis le parti et ils viennent, pour la première fois depuis les années 1970, d'obtenir un élu au parlement cantonal. Dans les deux cas, ce processus part d'une théorie et d'une pratique communiste, à partir aussi de l'impulsion décisive donnée par la jeunesse : les dirigeants du PC Tessinois ont tous moins de 27 ans, la JC Autrichienne a adopté récemment les thèses de la fédération de Styrie. Le camarade Robert Krotzer, qui représentait la Fédération de Styrie du KPO à la rencontre internationale du 26 février à Paris, est aussi secrétaire national de la JC Autrichienne.
Et surtout, plusieurs partis de masse et de classe européens ont déjoué dans les années 1990 les projets liquidateurs et s'attachent à faire vivre et renforcer leur PC : le PCP, le KKE et le KSCM. Des partis qui ont résisté aux offensives liquidatrices féroces du PGE, qui apporte un soutien logistique, financier et politique au Bloc de gauche et Synapsismos. Aujourd'hui ces deux formations sont plongés dans une grave crise : Synapsimos est miné par les querelles internes entre courants (trotskistes, sociaux-démocrates, refondateurs etc.), le Bloc est sorti dramatiquement affaibli par son récent revers électoral (perte de la moitié de ses députés et de ses voix en 2011) causé notamment par le dévoilement de sa collaboration avec le PS, puisque le Bloc a soutenu le candidat socialiste dès le premier tour des présidentielles, en 2010. Face à eux, le PCP et le KKE sont des partis en pleine croissance : électorale (8% pour les deux aux dernières législatives avec près de 11% aux élections locales), militante (65 000 pour le PCP, 4 fois plus que le PCE, dans un pays pourtant quatre fois moins peuplé !) et surtout dans leur contribution au mouvement des luttes : la Grèce est le foyer de résistance européen à la politique du capital ; le Portugal est aussi en première ligne. Deux partis, ce n'est pas un hasard, qui ont conservé un lien organique avec un syndicat de masse : le PAME en Grèce et la CGT-P au Portugal. Contraste terrible avec l'apathie du mouvement social en Espagne et en Italie, la glissade progressive des anciens syndicats de classe et de masse (CGIL en Italie, Commissions ouvrières en Espagne) vers la collaboration de classe ouverte, et la crise permanente des héritiers du mouvement communiste dans ces deux pays.
Enfin, je dirais pour conclure qu'il faut regarder plus loin que l'Europe occidentale. Le PGE propose une vision euro-centrique, arrimée au bloc de l'UE et de l'OTAN (cf la révélation Wikieaks sur la rencontre entre le dirigeant de Linke et du PGE Grigor Gysi et l'ambassadeur américain : Gysi rassurant l'ambassadeur sur le caractère inoffensif des mots d'ordre du PGE et de Linke sur la « dissolution de l'OTAN »). D'autres partis communistes la refusent, ceux qui participent à la coordination des partis communistes et ouvriers (ils sont entre 40 et 80 chaque année). Leur rencontre annuelle se tenait à Sao Paulo en 2008, à Delhi en 2009, à Johannesbourg en 2010, elle se tiendra à Athènes en 2011. Un groupe de travail a été mis sur pied en 2010 pour aboutir à des prises de position communes et à des analyses plus approfondies. A sa tête, des partis de masse qui n'ont pas renié leur identité communiste. J'aimerais juste donner quelques exemples de partis qui pèsent dans les luttes et agissent dans des processus de transition potentiellement révolutionnaires :
Le PC d'Inde (marxiste) ; un des deux partis communistes en Inde. Il compte à lui seul 1 million d'adhérents, et contrôle historiquement trois États dont le Kerala, hélas perdu cette année. Un parti qui a changé la vie de dizaines de millions d'Indiens dans les Etats qui dirigent, on a parlé du « miracle du Kerala », dans un État aussi peuplé que l'Espagne, avec des niveaux d'éducation et de santé dignes des pays les plus développés. Dans ces Etats comme ailleurs, le Parti communiste reste la principale force d'opposition au consensus dominant libéral Parti du Congrès (centre-gauche) et BJP (droite réactionnaire). Il impulse les luttes populaires contre la hausse du coût de la vie, les privatisations mais aussi pour la réforme agraire et une Sécurité sociale et une éducation nationales publiques, comme au Kerala.
Le PC Sud-africain : un chiffre important de 130 000 militants, les effectifs doublent tous les trois ans (ils étaient 5 000 il y a quinze ans, encore seulement 25 000 en 2004). Il participe à la coalition gouvernementale depuis 1994 mais reste une force très critique du tournant libéral de l'ANC. Il n'a jamais abdiqué son rôle de force d'avant-garde des luttes de la classe ouvrière sud-africaine dans la métallurgie et les mines notamment, ce qui explique sa popularité croissante. Il mène régulièrement des campagnes de masse dans les quartiers et sur les lieux de travail, comme celle dite « Octobre rouge » pour une Sécurité sociale nationale par exemple. Le PC Sud-africain avait été (sous la direction de Joe Slovo) un de ces partis qui ont fait le choix, après 1989/1991, de rester fidèle au communisme et de relancer, après sa légalisation, l'activité du parti sur les lieux de travail et dans les quartiers populaires. Aujourd'hui, il est un parti en pleine santé, qui attire chaque année des milliers de jeunes sud-africains vers le communisme.
Qui a dit que les Partis communistes étaient morts ?
Conclusion :
Pour conclure, j'espère que ce petit exposé servira à une chose : montrer que le cas du Front de gauche en France n'est pas un cas isolé, qu'il s'insère dans une stratégie européenne de liquidation des Partis communistes, qui applique partout les mêmes recettes, poursuit le même objectif, tout en s'adaptant aux résistances (passage du modèle « Die Linke » à la formule transitoire de « Fronts/fédérations de gauche »). Il faut apprendre des expériences liquidatrices menées dans d'autres pays, comme en Espagne ou en Italie, pour pouvoir s'opposer avec succès à ce même type d'opérations aujourd'hui mises en place en France.
J'espère aussi qu'il donnera de l'espoir car la stratégie du PGE est confronté à des résistances partout, elle est en ce moment dans une période difficile, tous ces modèles sont en crise, certains au bord de l'implosion. Nous ne sommes pas seuls en Europe : des camarades comme en Styrie et au Tessin mènent la lutte interne contre les directions alliées au PGE et obtiennent des succès encourageants, nos camarades grecs et portugais montrent toute la vitalité et la combativité de partis qui ont fait le choix de rester communistes, même en Espagne ou en Italie, le combat pour la « reconstruction du Parti communiste » est aujourd'hui engagé. Surtout, nous ne sommes pas isolés au niveau international, dans le monde, la plupart des partis communistes refusent la voie du renoncement, et ils sont aujourd'hui encore plus forts qu'ils ne l'étaient dans les années 1989/1991, de 'crise' du mouvement communiste international. A nous de puiser dans ces expériences internationales positives de quoi mener la lutte en France pour faire vivre et renforcer le PCF, lutter contre les manœuvres liquidatrices, dans les conditions particulières de notre pays et de notre parti.