18 mars 1871, un anniversaire en rouge et noir (Roger Colombier)
18 mars 1871, un anniversaire en rouge et noir
Ce texte pris sur Mediapart et écrit par Vingtras:
C'était il y a cent-quarante-deux ans, le 18 mars 1871. Tout avait commencé avec une histoire de canons, sur la butte Montmartre...
Pendant le siège de la capitale par les prussiens, les manufactures parisiennes avaient réussi à fabriquer quatre cents canons, dont la moitié avait été financée par une souscription populaire lancée par Victor Hugo, qui avait lui-même payé deux pièces d'artillerie avec les droits de la première édition des Châtiments. Mais l'Etat-Major les avait laissés à l'abandon comme pour inciter l'ennemi à s'en emparer...
Ces canons devinrent le symbole de la Résistance : ils étaient la preuve que la Cité avait été vendue, mais non vaincue, et ils incarnaient sa force, tout en constituant sa garantie.
Thiers décida de les faire enlever et envoya deux bataillons du 76e Régiment de Ligne pour les récupérer au petit matin du 18 mars. Mais l'opération échoua car les Versaillais n'avaient pas prévu d'attelages pour tirer les canons. On en réclame. C'est du tapage et du temps perdu. Les habitants se réveillent, sortent de chez eux et entourent les soldats qu'ils interpellent. Bientôt deux tambours battent. Des gardes nationaux accourent, de plus en plus nombreux. A huit heures, il y a foule. Quand les premiers attelages finissent par arriver, les gens s'interposent, haranguent les soldats. Des officiers veulent repousser les civils, mais déjà des soldats fraternisent, la crosse en l'air.
Née dans la "fête", noyée dans le sang, la Commune de Paris a duré exactement soixante-treize jours.
Sans doute était-ce bien court pour "changer la vie" ? L'échec qu'elle connut, la répression brutale et sauvage qui en oblitéra les forces vives, ont longtemps caché les projets qu'elle a voulu réaliser. Projets qui restent étonnamment modernes : autonomie communale, association fédérative, conseils ouvriers, égalité des droits de l'homme et de la femme, etc.
Les 73 jours de cette République libertaire sont un des rares grands moments de notre histoire où les mots de "liberté", d'"égalité" et de "fraternité" n'ont pas été des mots vides de sens.
Vive (à jamais) la Commune !
Et Jean Ferrat pour les 100 ans de la commune en 1971: