Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de pcfmanteslajolie

Parlement européen. Le prix Sakharov dans le collimateur des enquêteurs

3 Janvier 2023, 06:37am

Publié par pcfmanteslajolie

Le hasard est parfois cruel.

Dans un Parlement européen sens dessus dessous, bouleversé par un scandale de corruption, des représentants du peuple ukrainien ont descendu la semaine dernière les marches de l’hémicycle de Strasbourg pour recevoir la plus haute distinction européenne des droits humains.

La présidente du Parlement, Roberta Metsola, leur jurait tout son soutien en leur remettant le prix Sakharov 2022.

Depuis deux semaines, le Maroc et le Qatar sont soupçonnés d’avoir acheté des membres du Parlement européen pour influencer des décisions.

Les soupçons n’épargnent pas « le Nobel de la paix » version Parlement européen, puisque le prix Sakharov est dans le collimateur des enquêteurs.

Si, cette année, aucun candidat ne pouvait franchement intéresser les deux pays, le cru 2021 a été sujet à polémiques.

Parmi les candidats de l’époque, Sultana Khaya, une militante sahraouie, est un poil à gratter pour l’occupation marocaine du Sahara occidental.

Pour faire simple, chaque groupe politique au Parlement européen peut soumettre un candidat au prix Sakharov.

Vient ensuite une série de votes, à huis clos, entre la commission du Développement et celle des Affaires étrangères, dont plusieurs membres sont cités dans l’enquête.

Cette année-là, deux candidats se sont retrouvés à ex-aequo.

Ils jouaient leur place en finale du prix Sakharov : Sultana Khaya donc (soutenue par le groupe The Left) et la Bolivienne Jeanine Anez (proposée par les partis d’extrême droite Fratelli d’Italia et Vox, en Espagne, membres du groupe ECR).

Consigne de vote

« Un nouveau vote a été décidé, qui a inexplicablement été retardé d’une heure (il n’y avait pas de justification formelle pour cela) », raconte l’eurodéputé Miguel Urban (The Left, Podemos).

« Et le groupe socialiste a, contre toutes attentes, donné une consigne de vote à ses députés, par email, pour voter pour le candidat de l’extrême droite. »

Comme l’avaient à l’époque pointé les médias EU Observer et El Confidencial, un email a effectivement été envoyé, évoquant des « raisons tactiques » pour s’allier au groupe ECR.

Une porte-parole du groupe S&D confirme, sans donner de précisions.

Le groupe S&D avait, lui, proposé de donner le prix Sakharov aux « femmes afghanes », un mois après la chute de Kaboul aux mains des talibans.

« Cette alliance avec l’extrême droite est politiquement inexplicable et très difficile à comprendre et expliquer », juge Miguel Urban.

« Et leur excuse de ne pas diviser des votes lors du round final (pour favoriser leurs candidates, NDLR) n’est pas crédible.

Toute personne qui connaît le mode d’élection du prix Sakharov sait qu’ils n’avaient aucune chance de gagner. »

« Il est extrêmement rare que les socialistes votent dans le sens d’ECR », confirme une source dans le groupe Renew.

« Ils se feraient accuser par The Left de n’être pas assez à gauche. »

« Dans le dernier round de votes, les femmes afghanes ont été soutenues par le S&D, les Verts et The Left.

Cette alliance progressiste a perdu face à une majorité libérale-conservatrice soutenant Alexeï Navalny », indique la porte-parole du groupe S&D.

 Perdu espoir 

« En fait, en tant que défenseurs des droits humains au Sahara occidental, nous avons perdu espoir il y a des années dans les institutions européennes, le Parlement, la Commission européenne et le reste des institutions », réagit Sultana Khaya, hospitalisée en Espagne depuis quatre mois.

L’activiste sort de 18 mois d’assignation à domicile, « pour bénéficier d’une prise en charge médicale des séquelles physiques et psychologiques des agressions subies aux mains de la police », pointe Amnesty International.

« Nous estimons que le Maroc a une grande capacité pour influencer les décisions en relation avec la question du Sahara occidental », juge Sultana Khaya.

Pour Sultana Khaya, la déception reste grande : « Ce prix est important pour moi du point de vue moral, juridique et humanitaire, car il met en lumière les souffrances des militants sahraouis des droits de l’homme et tout mon peuple.

Pour moi, chaque voix, chaque mouvement, chaque action est importante, car elle brise le mur de silence imposé à la cause de mon peuple. »

Commenter cet article