Répression. Arkema invente la prime à la casse syndicale
Mi-décembre, une déléguée CGT de la plateforme chimique de Carling (Moselle) s’est fait traîner sur plusieurs mètres par la voiture d’un cadre RH qui forçait un piquet de grève.
La plainte de la syndicaliste a été classée. Lui a été promu.
« Devant cette voiture, j’ai eu l’impression de n’être rien, d’être une feuille morte, mais pas un être humain. »
Quand Aurélie raconte l’accident qu’elle a subi le 12 décembre, sa voix tremble encore légèrement.
Présente sur le piquet de grève de l’usine Arkema de Carling-Saint-Avold (Moselle), où elle travaille, la déléguée CGT, mobilisée contre la réforme des retraites avec ses collègues, tenait ce jour-là un barrage filtrant aux portes de la plateforme chimique.
« Habituellement, les salariés se garent sur le parking ou dans la rue et peuvent ensuite rentrer à pied.
La direction était d’ailleurs parfaitement au courant puisqu’elle organise un service de navettes », explique-t-elle.
Vers 4 h 30, le responsable des ressources humaines du site parvient à passer un premier barrage de palettes puis s’arrête devant le poste de garde à hauteur du deuxième barrage, où se tiennent Aurélie et ses collègues.
« Je lui ai demandé de s’arrêter en mettant mes mains sur le capot de sa voiture, je lui ai dit qu’il pouvait rentrer à pied.
À ce moment-là, la barrière s’est levée et il a accéléré.
Il m’a traînée sur environ 5 mètres. J’ai eu de la chance de ne pas tomber et de pouvoir me dégager », témoigne la syndicaliste, qui appelle alors la police pour porter plainte.
« Le responsable des ressources humaines ne s’arrête pas.
Il s’échappe à toute allure dans l’établissement », rapporte de son côté la CGT.
« Sur le coup, avec l’adrénaline, je n’ai pas senti que j’avais été blessée, mais j’ai subi un choc à la rotule, qui m’a bloqué le nerf sciatique.
Encore maintenant, je ne marche pas super bien », poursuit-elle.
Aurélie a l’impression de vivre un véritable parcours du combattant
Mais c’est surtout moralement que les séquelles se font sentir.
« J’ai vécu dans l’angoisse de revenir au travail, de peur de retomber sur cette personne », confie-t-elle.
Toujours suivie par un psychologue, Aurélie a d’autant plus de mal à digérer cette agression qu’elle a l’impression de vivre un véritable parcours du combattant pour faire valoir ses droits depuis.
« La direction du site va, bien évidemment, tout mettre en œuvre afin de comprendre les circonstances exactes de cet incident », assurait Arkema dans un courriel interne le 12 décembre.
Pourtant, depuis, la CGT dénonce de multiples tentatives d’obstruction de la part du groupe chimique pour tenter de faire la lumière sur les faits.
« Le secrétaire du CSE (comité social et économique – NDLR) et l’élu rapporteur de la commission SSCT (santé sécurité et conditions de travail – NDLR) ont fait la demande d’un CSE extraordinaire… qui n’a toujours pas été réuni.
On a essayé de mettre ce point à l’ordre du jour des CSE ordinaires, mais la direction s’y est toujours opposée », dénonce Aurélie.
Un comportement susceptible de constituer un délit d’entrave de la part de l’employeur, que le CSE compte assigner en référé.
En outre, Arkema comme Total refusent de transmettre à Aurélie les enregistrements vidéo de l’accident en leur possession qui pourraient appuyer sa plainte.
Le cadre au volant de la voiture n’a pas été sanctionné
Parallèlement, le 11 janvier, le procureur de la République de Sarreguemines choisit de classer sans suite la plainte de la syndicaliste.
« L’enquête a démontré que le comportement du plaignant a facilité la commission de l’infraction », justifie le parquet dans l’avis de classement que reçoit Aurélie le 7 février.
« Le message envoyé par le représentant de l’État est incompréhensible pour la victime et la CGT. Celui-ci vient raviver un peu plus l’ambiance nationale de répression et d’injustice envers les manifestants », réagit le syndicat dans un communiqué, qui a décidé de faire appel de la décision du ministère public aux côtés de la principale intéressée.
Ce qui renforce le sentiment d’injustice d’Aurélie, c’est que non seulement le cadre au volant de la voiture qui l’a poussée n’a pas été sanctionné, mais il a obtenu une mutation que la CGT estime être une promotion.
« Normalement, les RH doivent faire plusieurs usines avant de monter au siège à Paris. Là, il va travailler sur la digitalisation des outils RH, on ne sait même pas si c’est un vrai poste », s’interroge l’élue CGT.
Contactée par téléphone, la direction d’Arkema n’a pas répondu à nos questions.
Répression. Arkema invente la prime à la casse syndicale
Mi-décembre, une déléguée CGT de la plateforme chimique de Carling (Moselle) s'est fait traîner sur plusieurs mètres par la voiture d'un cadre RH qui forçait un piquet de grève. La plainte ...
https://www.humanite.fr/repression-arkema-invente-la-prime-la-casse-syndicale-684896