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Le blog de pcfmanteslajolie

L'Humanité. Syrie-israël. Quand Donald Trump sert la guerre sur un plateau

2 Avril 2019, 07:31am

Publié par pcfmanteslajolie

En reconnaissant la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan syrien, le président américain parachève son but : faire d’Israël un État régional fort gérant des Palestiniens sans identité nationale.

Analyse.

 

Benyamin Netanyahou a du mal à cacher sa joie.

À deux semaines des élections législatives qu’il n’est pas certain d’emporter, le premier ministre israélien vient de recevoir un beau cadeau de la part du président américain.

Donald Trump a profité de la présence à Washington du chef du gouvernement israélien pour signer un décret actant la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté d’Israël sur la partie du plateau du Golan syrien occupée depuis 1967 et annexée depuis 1981.

Ce n’est pas une surprise à proprement parler.

La reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et le déménagement de l’ambassade américaine avaient déjà marqué une rupture avec les précédentes administrations.

Le récent rapport du département d’État sur la situation des droits humains dans le monde pour 2018 et publié début mars ne faisait pas mention de territoires occupés par Israël – qu’il s’agisse de la Cisjordanie, de la bande de Gaza ou du plateau du Golan – mais de « territoires contrôlés par les Israéliens ».

Une différence qui n’est pas que sémantique mais bien profondément politique.

De plus, Trump estime que la poursuite de la colonisation n’est pas un obstacle au processus de paix.

Il est vrai que l’ambassadeur américain en Israël, David Friedman, est un fervent supporter (y compris financier) des colonies d’implantation dans les territoires palestiniens.

Les États-Unis ont également cessé leur aide à l’organisation de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) et entendent faire changer le statut de ces réfugiés en refusant d’y inclure les générations qui ont suivi celle de 1948, pour faire chuter leur nombre de 5 millions à environ 40 000.

Quel droit au retour dans ces conditions ?

De plus, Washington a fait fermer la représentation de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) aux États-Unis.

Last but not least, afin de mieux imposer cette politique et protéger définitivement Israël, une campagne – relayée ardemment par tous les pays européens – a été lancée, visant à taxer d’antisémite toute critique d’Israël.

C’est notamment le cas du mouvement Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS).

 

Mardi, lors d’une réunion mensuelle consacrée au conflit israélo-palestinien, plusieurs membres du Conseil de sécurité ont laissé transparaître leur exaspération face au choix des États-Unis de briser le consensus international.

En particulier, les cinq pays européens membres du Conseil (Allemagne, France, Royaume-Uni, Belgique et Pologne) ont rappelé dans une déclaration solennelle qu’ils ne reconnaissaient « pas la souveraineté d’Israël sur les territoires occupés par Israël depuis juin 1967, incluant le plateau du Golan ».

Ils soulignaient que « l’annexion d’un territoire par la force est interdite par le droit international. Toute déclaration sur un changement unilatéral de frontière va à l’encontre des règles sur l’ordre international et la charte des Nations unies ».

 

Une fois n’est pas coutume, lors de la discussion, l’ambassadeur français François Delattre avait dénoncé de manière virulente l’attitude de Washington.

Les fondements d’une paix durable au Proche-Orient sur lesquels s’est entendue la communauté internationale « ne sont pas des options ou un menu dans lequel il serait possible de piocher à sa guise, faisait-il valoir. La reconnaissance de la souveraineté israélienne sur le Golan est contraire au droit international, en particulier l’obligation pour les États de ne pas reconnaître une situation illégale ».

Pour le diplomate, « le silence du Conseil sur ce sujet est de plus en plus assourdissant, de plus en plus incompréhensible, et pour la France de plus en plus inacceptable ».

Il serait donc incompréhensible que la France, qui préside ce Conseil de sécurité jusqu’à dimanche, n’inscrive pas la demande de la Syrie d’une réunion d’urgence de ce Conseil et laisse l’Allemagne, qui lui succède, s’en charger.

Elle marquerait là sa volonté claire de s’opposer aux tentatives américaines qui visent à morceler définitivement le territoire syrien et, surtout, à laisser à Israël le contrôle des immenses ressources en eau du plateau du Golan, qui alimentent le Jourdain et le lac Tibériade.

Il est vrai que Paris est pris dans ses propres contradictions.

Outre sa participation à la criminalisation du BDS et l’affirmation selon laquelle l’antisionisme serait une nouvelle forme d’antisémitisme, la France ne sait plus comment se positionner concernant la Syrie et, dans une moindre mesure l’Iran.

Ainsi peut-on penser que l’affirmation de l’ambassadeur américain à l’ONU, Jonathan Cohen, pour qui « permettre aux régimes syrien et iranien de contrôler le plateau du Golan reviendrait à fermer les yeux sur les atrocités commises par le régime d’Assad et sur la présence déstabilisante de l’Iran dans la région », n’a pas manqué de faire mouche.

De toute manière, il n’y a pas de certitude que la réunion ait lieu.

Il suffirait pour cela qu’un des quinze pays membres du Conseil demande un vote de procédure, et que lors de ce vote neuf pays s’opposent à sa tenue.

 

Si Hassan Nasrallah, chef du mouvement chiite libanais Hezbollah, qui soutient le régime syrien, a appelé à la « résistance » face au « dédain pour le monde arabe et islamique », les chancelleries de ce monde arabe sont pour le moins gênées aux entournures.

Depuis plusieurs années maintenant elles avaient choisi d’intégrer sans retenue la stratégie américaine.

Celle-ci passe par un rapprochement avec Israël et s’appuie sur la désignation d’un ennemi commun, l’Iran.

Lasses, elles ont beau condamner la décision américaine, les voici gros-jean comme devant, leurs condamnations sont sans poids, bien incapables maintenant de faire bouger les lignes.

Côté iranien, en revanche, le président Hassan Rohani a fait remarquer : « À un certain moment de l’histoire, du temps du colonialisme, certaines puissances coloniales ont fait de telles choses et attribué des parties d’un pays à un autre (...), mais cela est sans précédent à notre siècle.

Personne n’aurait cru qu’un homme viendrait en Amérique et remettrait, de façon unilatérale et contre toutes les lois et règles internationales, une terre appartenant à un pays à un agresseur. »

 

Cet acte de piraterie du droit international par les États-Unis devrait amener une initiative politique forte de la part de la direction palestinienne.

Celle-ci en semble incapable, engluée dans des affrontements entre le Hamas et le Fatah, dans une guerre de succession pour remplacer Mahmoud Abbas et sous pression internationale.

Il n’est pas certain que le refus de tout lien avec l’administration Trump, pour symbolique qu’il soit, ouvre une quelconque opportunité.

Toutes les récentes décisions américaines, dont la reconnaissance de la mainmise israélienne sur le plateau du Golan, montrent surtout que l’initiative de paix israélo-palestinienne de Jared Kushner, conseiller et gendre de Donald Trump, présentée comme le « plan du siècle », longtemps annoncée mais jamais dévoilée, n’est qu’un écran de fumée, une escroquerie digne de bateleurs de foire.

Le plan est pourtant maintenant clair : morceler les territoires palestiniens, mettre en place une gestion de populations sans identité nationale, tout entières dépendantes d’un État plus fort que jamais : Israël.

Pierre Barbancey

 

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