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Le blog de pcfmanteslajolie

Profits. Les premiers de cordée du CAC 40 enfilent leur gilet en or

22 Janvier 2019, 08:32am

Publié par pcfmanteslajolie

57,4 milliards d’euros ont été dépensés en dividendes et rachats d’actions, l’année dernière, par les 40 plus grandes sociétés cotées en Bourse en France, établissant un nouveau record absolu. Les salariés et l’investissement sont les grands perdants de ces choix financiers.

Les entreprises du CAC 40 n’ont jamais autant choyé leurs actionnaires. Selon la Lettre Vernimmen, une publication spécialisée des milieux d’affaires citée hier par les Échos, 57,4 milliards d’euros ont été dépensés en dividendes et rachats d’actions l’année dernière par les 40 sociétés cotées, établissant un nouveau record absolu. Le dernier en date remontait à 2007, juste avant l’éclatement de la crise financière, avec 57 milliards d’euros distribués à l’époque. La performance de 2018 n’est donc pas anodine : « Les géants du CAC 40 ont enfin tourné la page de la crise financière », note le journal les Échos.

Si la générosité envers les actionnaires explose cette année, avec une hausse de 12,8 % par rapport à 2017, et surtout + 62 % par rapport au creux de 2009 (35,3 milliards d’euros distribués aux actionnaires), cela va de pair avec une forme olympique pour les bénéfices des sociétés concernées en 2017 (année de référence pour la distribution des dividendes en 2018), qui ont grimpé de 18 % en un an. Au total, près de 60 % de ces profits ont été redistribués aux actionnaires. Indice d’une année hors norme pour les détenteurs de capital, chaque société du CAC 40 a acquitté des dividendes l’an dernier, ce qui n’était pas le cas les années précédentes. Mais certaines ont contribué plus que d’autres à ce record. En haut du podium, Total a versé à lui seul 10,1 milliards à ses actionnaires en dividendes et rachats d’actions. Suivent Sanofi (4,8 milliards), BNP Paribas (3,8 milliards), Axa (3 milliards), LVMH (2,8 milliards), L’Oréal (2,5 milliards) et Schneider Electric (2,1 milliards). Ces sept sociétés représentant à elles seules plus de 50 % des sommes versées aux actionnaires par le CAC 40 l’an dernier.

Seulement 5,3 % des bénéfices sont redistribués aux travailleurs

En pleine crise des gilets jaunes, une telle débauche d’argent scandalise à gauche. La France insoumise, le PCF, Génération.s ont dénoncé un pactole indécent au moment même où le pouvoir a péniblement consenti un plan de mesures pour le pouvoir d’achat de 10 milliards d’euros qui ne mettra pas ou que très peu à contribution les entreprises, et que le moindre « coup de pouce » au Smic a été refusé. « Tandis que les bénéfices et les dividendes battent des records, le versement de primes est laissé au bon vouloir des sociétés et les principales mesures consistent en des défiscalisations, c’est-à-dire qu’elles seront financées par les contribuables et non par les entreprises, alors qu’elles ont un rôle fondamental à jouer pour la réduction des inégalités », pointe Pauline Leclère, de l’ONG Oxfam, à l’origine d’un rapport l’an dernier sur les bénéfices du CAC 40.

Selon cette étude intitulée « CAC 40 : des profits sans partage », plus de 67 % des bénéfices réalisés entre 2009 et 2016 par les principales ­sociétés cotées en France sont allés aux actionnaires, contre seulement 5,3 % aux salariés, et 27,3 % à l’investissement dans l’entreprise. « La tendance n’a pas changé, les salariés et l’investissement sont toujours les grands perdants de ce partage inégal des bénéfices », constate Pauline Leclère, qui rappelle les recommandations d’Oxfam pour « un partage plus équitable des richesses dans l’entreprise », formulées à l’occasion de la loi Pacte : encadrement des dividendes et transparence des écarts de salaires. Au-delà, « cette question cruciale du partage des bénéfices dans les grandes entreprises doit faire l’objet d’un point central dans le “grand débat” national » annoncé par Emmanuel Macron, estime la responsable de l’ONG.

Des sociétés s’endettent pour rémunérer leurs actionnaires

Pour l’instant, cela n’est guère prévu. Signe que le sujet embarrasse, la Lettre Vernimmen anticipe la critique, en affirmant que, « contrairement au sophisme et au poncif (sic), aucun groupe n’a dû réduire ses investissements pour verser un dividende. Aucun n’a dû s’endetter au-delà du raisonnable (re-sic) pour verser un dividende ». Une assertion à laquelle les Économistes atterrés ont déjà répondu sur leur blog, l’an dernier. « Dividendes et rachats d’actions représentaient 19 % de l’excédent net d’exploitation (l’ENE, en résumé : les profits diminués de l’amortissement des investissements passés – NDLR) en 1990, puis 39 % en l’an 2000 et 70 % aujourd’hui, y écrit le chercheur à Lille-I, Michaël Lainé. Autant dire que, de plus en plus, les entreprises sont contraintes de s’endetter ou de vendre leur outil de production afin de rémunérer leurs actionnaires. » Ainsi, en 2011, « alors que les profits avaient baissé de 10 %, les entreprises ont augmenté les dividendes de plus de 15 % et sacrifié du même coup leur capacité à investir en la réduisant de plus de 38 % », indique Pauline Leclère.

« Du point de vue des actionnaires, l’entreprise n’a qu’une fonction : créer du cash », rappelle de son côté Matthieu Montalban, membre des Économistes atterrés. Dans cette logique, investissement et dividendes en viendraient presque à se confondre puisque, « selon cette vision, l’intégralité de la trésorerie qu’elle génère appartient aux actionnaires. Qu’elle soit redistribuée ou réinvestie dans l’entreprise, c’est toujours du patrimoine de l’actionnaire », décrypte cet enseignant-chercheur à Bordeaux. Or, non seulement cela est une « erreur sur le plan juridique », mais de « nombreux travaux aux États-Unis ont montré que la hausse des dividendes et des rachats d’actions a bien eu pour effet de rationner les capacités de recherche-développement des entreprises ».

Sébastien Crépel
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