Loi pacte. La privatisation d’ADP est un « scandale d’État »
Hier, les élus du groupe communiste au Sénat ont dénoncé la privatisation d’Aéroports de Paris. Une aberration économique et sociale au profit de Vinci, qui raflerait la mise.
Ils n’ont pas mâché leurs mots. Hier, les sénateurs du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) ont une nouvelle fois dénoncé le « scandale d’État » qui se cache derrière la privatisation programmée d’Aéroports de Paris (ADP). Alors que le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises – la loi Pacte – arrive aujourd’hui au Sénat après son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale en octobre 2018, les élus progressistes affichent l’ambition de faire trébucher le gouvernement en faisant rejeter l’article 44 du projet de loi qui autorise l’État à céder les 50,6 % d’actifs qu’il détient dans la société Aéroports de Paris. « L’exécutif sait que son projet est loin de faire l’unanimité et il pourrait bien se dégager une majorité sénatoriale pour mettre en échec cette privatisation », a insisté hier Éliane Assassi, sénatrice communiste de Seine-Saint-Denis et présidente du groupe. D’autant que « depuis le dépôt du projet de loi le 19 juin 2018, les lignes ont bougé et le mouvement social qui secoue le pays pousse désormais des élus de tous bords à déclarer publiquement qu’il ne faut pas reproduire l’erreur de la braderie des autoroutes en 2005 », a fait valoir Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis. Le groupe socialiste s’est déclaré « formellement et frontalement » opposé aux projets de privatisation. Deux amendements de suppression ont par ailleurs été déposés par des sénateurs LR. Et ce n’est pas le seul argument qui pourrait faire basculer le Sénat. Autorisée par Emmanuel Macron, alors locataire de Bercy, la privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac « pour 400 millions d’euros à un investisseur chinois qui aujourd’hui se retire sans y avoir investi un centime » est un fiasco, a poursuivi Fabien Gay. Il note, en outre, que la vente des aéroports de Nice et de Lyon n’a jamais fait la preuve d’une quelconque amélioration sociale ou économique de leur situation.
Un cadeau de taille pour Vinci
Pour défendre sa mesure, l’État met en avant son fameux fonds pour l’innovation que la vente d’ADP est censée renflouer. Un argument qui ne tient pas la route, selon les sénateurs communistes, puisqu’une petite partie seulement de l’enveloppe estimée de 8 à 10 milliards d’euros servirait in fine à l’alimenter. Une fois payées les indemnités aux actionnaires minoritaires pour 2 milliards d’euros environ, la banque publique BPI France pourra alors investir les 6 à 8 milliards d’euros restant sur les marchés financiers. Il ne resterait finalement que 200 à 250 millions d’euros disponibles pour financer « l’innovation ».
À qui profiterait alors cette privatisation ? À Vinci, semblent s’accorder à répondre les connaisseurs du dossier. Et le cadeau est de taille. Car, non seulement le groupe, actionnaire minoritaire d’ADP (8 %) serait indemnisé par l’État au moment de la vente d’ADP, mais il cumulerait ces indemnités avec celles versées en compensation de l’annulation du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. De quoi racheter largement les parts publiques d’ADP. Et pour « habiller la mariée », Fabien Guillaud-Bataille, conseiller régional PCF et administrateur d’Île-de-France Mobilités, pointe les infrastructures de transport financées par l’argent public pour optimiser, entre autres, la desserte des aéroports parisiens.
Au scandale économique s’ajoute la menace d’un scandale social. En tout, 6 600 salariés et près du double de sous-traitants travaillent pour ADP (selon le bilan social de 2016). « Déjà, l’ouverture du capital de la société en 2006 s’est traduite par la suppression de plus de 2 000 postes alors que le trafic a doublé sur la période », a dénoncé hier Daniel Bertone, secrétaire général de la CGT ADP. Et la privatisation totale risque de dégrader encore les conditions de travail. « Les contrats de sous-traitance seront désormais renégociés tous les trois ans et on sait que ces passations de marchés se traduisent systématiquement par une remise en cause des accords d’entreprise existants. La pression sur les effectifs, la productivité, le turnover vont s’accentuer », poursuit le syndicaliste. Pression sociale et pression foncière, complète Charlotte Blandiot-Faride, maire communiste de Mitry-Mory. Selon elle, une telle opération risque d’impacter tout un bassin de population. « ADP y est propriétaire de centaines d’hectares et la perspective d’une privatisation est terrifiante », note l’élue qui redoute « l’absence d’un regard public sur l’aménagement du territoire ».
Les sénateurs du groupe CRCE déposeront aujourd’hui une motion de rejet préalable à l’ouverture des débats au Sénat.
Loi pacte. La privatisation d'ADP est un " scandale d'État "
Hier, les élus du groupe communiste au Sénat ont dénoncé la privatisation d'Aéroports de Paris. Une aberration économique et sociale au profit de Vinci, qui raflerait la mise.
https://www.humanite.fr/loi-pacte-la-privatisation-dadp-est-un-scandale-detat-667056