Il y a 60 ans, le 17 août 1956, l’Allemagne capitaliste interdisait le Parti communiste allemande (KPD).
Il y a 60 ans, le 17 août 1956, l’Allemagne capitaliste interdisait le Parti communiste allemande (KPD).
A peine 11 ans après la victoire sur le nazisme, le gouvernement de l’Allemagne capitaliste, la RFA, faisait interdire le Parti communiste allemand, le KPD, parti des 150.000 déportés et des 30.000 fusillés dirions-nous en France. C’était il y a 60 ans, le 17 août 1956.
L’impérialisme allemand, déjà remis en selle à l’ouest du pays, vassal de l’impérialisme américain et en passe de retrouver sa prépondérance sur ses partenaires d’Europe de l’ouest, affichait sa conception de la démocratie.
La plupart des cadres ayant officié sous le 3ème Reich, avait gardé ou repris leur poste. De nombreux nazis avaient été recyclés, y compris dans la vie politique et les partis bourgeois et dans l’armée en reconstitution.
A l’inverse, la répression anticommuniste s’accentue. Dans le contexte de guerre froide, elle atteint un sommet, avec l’élimination du KPD légal. Elle continuera les décennies suivantes avec, notamment, les interdictions professionnelles frappant les communistes, jusqu’aux années 80. En 1968, le Parti communiste allemand DKP a pu être créé, mais avec des statuts différents du KPD qui demeurera interdit.
Le combat pour la réhabilitation et l’indemnisation des communistes lésés, mené notamment par le DKP, montre aujourd’hui, combien, malgré la fin de la guerre froide, l’Allemagne capitaliste a moins que jamais tourné la page.
Nous reprenons l’article de Markus Bernhardt, publié dans le quotidien progressiste allemand Junge Welt, le 10 août 2016. Traduction MlN pour « Solidarité internationale PCF – Vive le PCF ».
Paranoïa anticommuniste
Il y a 60 ans, le Parti communiste allemand KPD était interdit. Le coup le plus dur porté à la gauche après la libération du fascisme
Par Markus Bernhardt
Il y a 60 ans, le 17 août 1956, la Cour constitutionnelle fédérale, sur requête du gouvernement de l’époque, dirigé par le chancelier Konrad Adenauer, interdisait le Parti communiste d’Allemagne (KPD). Pour la deuxième fois, l’interdiction d’un parti était prononcée dans l’histoire de l’Allemagne fédérale, après celle du parti fasciste « Sozialistische Reichspartei » (SRP).
L’élimination perfide du KPD a durement frappé le parti et ses adhérents. Onze années seulement après la libération du fascisme hitlérien, les adhérents du parti communiste fondé en 1918 par Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht et Wilhelm Pieck, qui sortait de douze ans d’interdiction sous le fascisme allemand, étaient à nouveau la cible d’une attaque d’Etat. Et cela bien que le KPD ait payé un si lourd et sanglant tribut au combat contre Hitler. De ces 300.000 adhérents d’avant 33, quelque 150.000 furent internés dans les soi-disant camps de concentration ou dans des bagnes. Environ 30.000 communistes furent assassinés. Le président du KPD, l’ancien ouvrier du port de Hambourg, Ernst Thälmann, fut exécuté, après onze années en cellule d’isolement, en août 1944, sur ordre express d’Hitler.
Malgré tout cela, le régime d’Adenauer, qui voulait voir dans le KPD un grand danger pour l’Etat qui a succédé au « Troisième Reich », décida de porter un coup fatal aux communistes. Le Parti fut dissout, ses élus du peuple furent déchus de leur mandat, des milliers d’adhérent furent traînés devant les tribunaux. Rien qu’entre les années 1950 et 1968, presque 200.000 procédures furent engagées contre des adhérents, réels ou présumés, du KPD. Elles aboutirent à 10.000 procès au total, qui se conclurent pour les personnes criminalisées par de la détention, la perte de leur emploi, la privation de leurs droits civiques et d’autres discriminations.
Les juges de Karlsruhe fondèrent la légalité de l’interdiction du KPD sur les buts poursuivis par le Parti qui auraient été « dirigés » contre « les principes de la démocratie libre ». A l’époque, pour la Cour constitutionnelle, cela tenait dans une formule, condensée de l’enseignement du marxisme-léninisme sur le développement de la société : « l’avènement d’un ordre social socialiste-communiste par la voie de la révolution prolétarienne et de la dictature du prolétariat ». Les juges qualifièrent le KPD en conséquence de « parti marxiste-léniniste de combat », qui aurait refusé, selon eux, les « principes et institutions » dont « l’application et l’existence » auraient été « la condition du fonctionnement d’un ordre démocrate libre ».
Comme véritable motif de l’interdiction du KPD, le DKP fait l’analyse au contraire aujourd’hui que le gouvernement Adenauer avait engagé secrètement, dès 1949, malgré tous les serments fait publiquement pour la paix, les préparatifs du réarmement. Ainsi, « la constitution d’une nouvelle Wehrmacht » aurait été confiée à « d’anciens généraux d’Hitler ». A l’encontre de ces projets existait un large sentiment profondément antimilitariste qui s’exprimait à travers les nombreuses consultations populaires, manifestations et initiatives de protestation organisées par le KPD et d’autres forces pour la paix. La déclaration éditée par le DKP à l’occasion du 60ème anniversaire de l’interdiction du KPD conclut : « du point de vue des gouvernants, il fallait criminaliser et abattre la résistance considérable au réarmement, recherché systématiquement, de l’Allemagne de l’Ouest et à sa transformation en « Etat en première ligne sur le front » ».
La répression et la campagne anticommunistes atteignirent un sommet avec l’interdiction du KPD mais elles ne s’arrêtèrent pas là. Déjà en 1951, le mouvement de jeunesse « La libre jeunesse allemande (FDJ) » avait été interdit en Allemagne de l’Ouest, ce que devait confirmer trois ans plus tard la Cour constitutionnelle. En 1972 suivit le soi-disant « décret sur les extrémistes » sur la base duquel, surtout dans les années 70 et 80, la soi-disant « loyauté à la constitution » était vérifiée chez les postulants à la fonction publique via des millions de demandes d’attestation à l’office de la « protection de la constitution ». 11.000 procédures furent engagées à la suite de ce décret ; près de 1200 demandeurs d’emploi public furent rejetés et près de 300 fonctionnaires furent limogés. Parmi les personnes concernées par ces mesures d’épuration politiques ne se trouvaient pas que des communistes, loin de là, mais aussi des syndicalistes et des militants du mouvement pacifiste. Il leur était même refusé de devenir conducteur de locomotive ou employé des postes.
Ces tâches qui salissent la soi-disant « culture politique démocratique » n’ont toujours pas fait l’objet d’un examen correct. Il est toujours passé sous silence que les victimes de la stratégie de répression anticommuniste, qui, dans les faits, persiste aujourd’hui, n’ont jamais été réhabilitées ou indemnisées pour l’injustice que l’Etat a commise à leur encontre.
Manifestations et initiatives en 2016
A l’occasion du 60ème anniversaire de l’interdiction du Parti communiste d’Allemagne (KPD), des initiatives sont organisées dans plusieurs villes.
60 ans après le jugement de la Cour constitutionnelle fédérale contre le KPD, le Parti communiste allemand (DKP) mobilise pour une manifestation à Karlsruhe, le 10 septembre (15h) sur la place Ludwig, au cœur de la deuxième ville de Bade-Wurtemberg.
Aux côtés du président du DKP, Patrik Köbele, la députée au Bundestag « die Linke », Karin Binder de Karlsruhe, ainsi que des représentants de partis communistes amis d’Europe participeront à la manifestation. A l’issue de la manifestation est également programmé un débat (au local « Walhalla », Augartenstrasse 27), dans le cadre duquel le président délégué du DKP, Hans-Peter Brenner, l’avocat munichois Hans E. Schmitt-Lermann évalueront, sur plan politique et juridique, la portée de l’interdiction du KPD. En conclusion, l’ancien président du DKP, Herbert Mies et l’ancien membre du présidium du DKP, Willi Gern participeront à une discussion en tribune.